louislaouchez

Belvédère-Savane

Étude pour la Mairie de Fort-de-France

La Savane

Mot évocateur à plus d'un titre, symbole même de l'adolescence de beaucoup de Martiniquais de ma génération. Que l’on me pardonne ici d’évoquer non sans émotion ce lieu de vie, cet espace de joie, ce terrain propice à tout et tant d’aspirations juvéniles. Comment oublier, à côté, ce kiosque à musique où fanfare, orchestre classique et orchestre traditionnel se relayaient dimanches et jours de fête pour satisfaire les bourgeois foyalais. Et moi je ne retiens que les musiciens traditionnels qui les jours de carnaval provoquaient nos déhanchements osés parce que filles et garçons nous étions masqués... Aujourd’hui ce haut lieu a vieilli comme nous et heureusement nous avons l’opportunité de lui redonner vie avec une image dynamique, culturelle personnalisée avec le vrai visage de qui nous sommes. Cette question «qui nous sommes?» à l’époque personne ne s’en souciait. Les non-dits s’affirmèrent de plus en plus et les vérités crièrent avec Damas, Césaire et le concept de négritude. La négritude, le mot a été lâché et ceux-là l’ont explicité. Qui sommes-nous? d’où venons-nous et où allons-nous?

L’œuvre Charpente-Sculpture

L’île de Gorée au Sénégal d’où partaient les esclaves pour traverser l’atlantique et aborder entre autres les côtes antillaises symbolise cet arrachement. D’où ce petit passage étroit et bas situé à l’est de la structure qu’un panneau désignera comme étant la porte de Gorée. En la franchissant tête basse et dos courbé, on se souviendra du départ des esclaves, de la traversée innommable de l’océan, de l’arrivée sur la côte martiniquaise. Mon œuvre est en soi la résultante croquis savanede mes recherches esthétiques et historiques. Elle est inspirée des tipis indiens, des carbets amérindiens et des cases et villages africains. Elle est composée d’arceaux tubulaires irréguliers qui à dessein, ne seront pas recouverts. Son esthétique visible de loin de dimension hardie relève de l’art contemporain sans rien céder aux modes extérieures puisque tipis, carbets et cases étaient charpentés de branches, de troncs de bois ronds. Les méthodes de construction «indigènes» témoignent souvent de beaucoup de hardiesse et d’élégance...

...À l’occasion d’une exposition intitulée «Architecture sans architectes» au musée des arts décoratifs à Paris en 1969, Bernard Rudosky dit : «l’architecture vernaculaire n’est pas soumise aux caprices des modes. Pratiquement immuable, elle n’est pas non plus susceptible d’améliorations puisqu’elle répond parfaitement à son objet». Mon œuvre tend à rendre un hommage à ces bâtisseurs anonymes africains qui ne sont pas arrivés ici incultes, sans savoir-faire. La déculturation du colonisateur a été on ne peut plus efficace sur nos terres d’esclavage. À l’extérieur de la Charpente-Sculpture, un voile d’acier fera le tour de la totalité de la structure tubulaire. Ce voile d’acier découpé et décoré rappellera que dans certains villages africains une clôture ou des parois extérieures généralement en vannerie délimitaient l’aire de protection ou les limites des cours royales.

Il sera découpé et agencé de manière contractuelle et doté de formes diverses de bas en haut participant ainsi à l’aspect ludique de l’ensemble. Des ouvertures permettront le passage non seulement du regard sur l’horizon mais aussi le passage des visiteurs. À l’intérieur de la structure 3 totems syncrétiques placés à des niveaux différents dans la partie sud-ouest seront des objets de réflexions proposés aux visiteurs. Ces totemsseront réalisés en bois de mahogany traités, peints et non protégés de la pluie et du soleil pour que, à terme, le temps fasse son effet. Pour m’être rendu plusieurs fois le week-end sur cette place du Belvédère récemment ouverte au public, je me suis rendu compte combien il importait de la faire vivre.

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